Rénovation énergétique : une suppression massive de fiches CEE envisagée dès mai 2025
Une décision gouvernementale majeure vient secouer le secteur de la rénovation énergétique en France. Un projet d'arrêté, qui sera examiné par le Conseil supérieur de l'énergie (CSE) le 27 mai 2025, prévoit la suppression de 11 fiches d'opérations standardisées du dispositif des Certificats d'Économies d'Énergie (CEE) et la modification de 7 autres. Cette réforme drastique vise à éliminer le "surfinancement" de certains travaux dont le retour sur investissement est jugé trop rapide, impactant particulièrement les secteurs du calorifugeage et des systèmes hydro-économes.

Une réforme d'ampleur pour contrer le surfinancement des travaux énergétiques
Le gouvernement justifie cette décision par la nécessité de corriger les situations où des opérations présentent un temps de retour sur investissement inférieur à 3 ans, même sans l'aide des CEE. Ce dispositif, rappelons-le, met les fournisseurs d'énergie à contribution pour financer des travaux d'efficacité énergétique chez leurs clients via des certificats correspondant à un volume d'économie d'énergie.
Parmi les opérations concernées par cette suppression massive de fiches CEE figurent :
- le calorifugeage des canalisations de réseaux de chaleur ;
- les systèmes hydro-économes ;
- l'isolation de points singuliers sur réseaux de chaleur ;
- les opérations de récupération de chaleur sur les groupes de production de froid ;
- l'isolation des réseaux électriques de chauffage.
Cette suppression représenterait environ 20 à 25% des volumes actuels du dispositif CEE, ce qui constitue un changement considérable pour l'ensemble du secteur de la rénovation énergétique.
Un calendrier d'application serré inquiétant les professionnels
L'un des aspects les plus controversés de cette décision est son calendrier d'application particulièrement serré. L'entrée en vigueur est prévue dès le lendemain de la publication de l'arrêté pour certaines fiches, et au 1er juillet 2025 pour les autres. Cette absence de période de transition suscite de vives inquiétudes parmi les professionnels du secteur qui n'auront pratiquement aucun délai pour adapter leurs activités, souvent structurées autour de ces leviers financiers.
"Le grand perdant sera le marché de la rénovation énergétique des professionnels (copropriétés, bâtiments communaux, industrie), alors que c'était le bon élève face aux nombreuses fraudes dans le marché des particuliers", déplore un industriel cité par Les Échos. Jacques Assant, PDG du délégataire CEE Adeeno, regrette également que "ces changements brutaux vont casser tout un tissu d'entreprises du bâtiment".
Des économies substantielles attendues pour le gouvernement
Du côté des finances publiques, cette suppression d'opérations standardisées CEE devrait permettre de réaliser entre 1,5 et 2 milliards d'euros d'économies, sur un marché estimé entre 4 et 6 milliards d'euros par an. D'après les sources gouvernementales, l'objectif officieux serait de faire entrer dans le dispositif des dépenses comme MaPrimeRénov', le leasing social ou encore le bonus automobile, permettant ainsi de ne plus les faire supporter par le budget de l'État.
Cette réorientation des fonds CEE a été critiquée par plusieurs rapports, notamment celui de la Cour des comptes, qui pointait déjà du doigt certaines inefficiences du dispositif actuel.
Impact sur la transition énergétique et absence d'alternatives claires
Cette décision intervient alors que la 6ème période des CEE, prévue pour début 2026, reste floue quant à ses nouveaux "gisements" d'économies d'énergie. Ce qui inquiète particulièrement les acteurs du secteur est le vide laissé par ces abrogations, sans qu'aucun nouveau gisement d'économie d'énergie n'ait été annoncé en substitution.
Pierre-Damien Grosjean, vice-président industrie du Groupement professionnel des CEE (GPCEE), souligne l'ampleur de la réforme : "Ces opérations représentent 20% des financements apportés par les CEE depuis le début de 2022, c'est énorme".
Le Groupement professionnel des CEE pointe également du doigt l'absence de concertation préalable à cette décision. Il est important de noter que l'avis du CSE, mandaté par le gouvernement, n'est toutefois que consultatif et non obligatoire.
Cette suppression massive de fiches d'opérations standardisées CEE marque un tournant dans la politique énergétique française, passant d'une logique d'incitation à une logique d'obligation de travaux, sans toujours en offrir les moyens nécessaires aux acteurs concernés.
Face à ces changements majeurs dans le dispositif des Certificats d'Économies d'Énergie, les propriétaires souhaitant réaliser des travaux de rénovation énergétique devront rester attentifs aux évolutions des aides disponibles et potentiellement accélérer leurs projets avant la mise en application de ces suppressions en mai 2025.