MaPrimeRénov’ : Des délais d’instruction qui s’allongent face à l’afflux de demandes
Le dispositif MaPrimeRénov', pierre angulaire de la politique de rénovation énergétique en France, fait face à des difficultés croissantes. Les délais de traitement des dossiers s'allongent considérablement, atteignant désormais 63 jours en moyenne pour une rénovation par geste et 105 jours pour une rénovation d'ampleur. Une situation qui met en difficulté tant les particuliers que les professionnels du secteur, contraints d'attendre le versement des aides après la réalisation des travaux.

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Des délais d'instruction en constante augmentation
Depuis son lancement en 2020, MaPrimeRénov' a permis la rénovation de 2,5 millions de logements en France. Cependant, le dispositif semble aujourd'hui victime de son succès. L'Agence nationale de l'habitat (Anah), en charge de la gestion de cette aide, reconnaît officiellement que les délais se sont considérablement allongés.
Pour les dossiers de rénovation par geste, le temps d'instruction moyen atteint désormais 63 jours, tandis que pour les rénovations d'ampleur, plus complexes, ce délai grimpe à 105 jours. Une fois les travaux terminés, les bénéficiaires doivent encore patienter en moyenne 49 jours pour toucher leur aide dans le cas d'une rénovation par geste, et 35 jours pour une rénovation d'ampleur.
Ces délais allongés s'expliquent notamment par trois facteurs majeurs :
- une multiplication par trois du nombre de dossiers par rapport à l'année précédente ;
- l'adoption tardive de la loi de finances après la censure du gouvernement ;
- le renforcement des contrôles anti-fraude.
Des artisans en grande difficulté financière
Cette situation met particulièrement en difficulté les professionnels du bâtiment qui doivent avancer les frais des travaux. Le 12 mai 2025, plusieurs d'entre eux ont manifesté à Paris devant les locaux de l'Anah pour protester contre ces délais de paiement.
"Malheureusement, comme on ne m'a pas payé, on a licencié plein de personnel. Bientôt, si ça continue comme ça, je vais fermer ma boîte", témoigne Ercan Umit, un artisan qui affirme attendre 600 000 euros de paiements de la part de MaPrimeRénov'.
Pietro Rugierri, gérant d'Ecobat, une entreprise du Grand-Est spécialisée dans la rénovation énergétique, exprime également son désarroi : "On voudrait des délais d'instruction plus rapides et peut-être moins de contrôles sur des gens comme nous qui existons depuis 15 ou 17 ans."
Le budget 2025 sous tension
La situation financière du dispositif contribue également aux difficultés actuelles. Le budget alloué à MaPrimeRénov' pour l'année 2025 s'élève à 2,3 milliards d'euros, en baisse par rapport à l'année précédente. Cette réduction intervient alors même que les demandes sont en forte hausse, avec notamment un triplement des rénovations d'ampleur depuis le début de l'année.
Face à ces contraintes budgétaires, l'Anah reconnaît l'existence d'un stock important de dossiers en attente et évoque la possibilité de recourir à un financement complémentaire via les Certificats d'Économies d'Énergie (CEE) pour soutenir le dispositif.
Des contrôles renforcés pour lutter contre la fraude
L'allongement des délais est également lié au renforcement des contrôles mis en place pour lutter contre la fraude, un phénomène qui touche environ un dossier sur dix selon l'Anah.
"On va demander des pièces justificatives complémentaires pour bien comprendre que la facture correspond bien au devis qui a été validé. On fait aussi des contrôles sur place pour s'assurer que le chantier a été correctement réalisé", explique Martin Lagane, directeur de la communication de l'Anah.
Ces vérifications, bien que nécessaires pour préserver l'intégrité du dispositif, contribuent à rallonger les temps de traitement des dossiers. L'Anah estime que ces contrôles ont permis d'économiser plusieurs millions d'euros, une somme non négligeable dans un contexte de restrictions budgétaires.
Une aide essentielle pour les particuliers
Malgré ces difficultés, MaPrimeRénov' reste un dispositif crucial pour les particuliers souhaitant réaliser des travaux de rénovation énergétique. Yannick, qui a entrepris d'importants travaux pour isoler sa maison construite dans les années 1970, témoigne : "En tout, on a eu à peu près 26 000 euros d'aide. Sans ça, on ne l'aurait pas fait."
Le dispositif permet ainsi de rendre accessibles des travaux de rénovation parfois coûteux, contribuant à l'amélioration du parc immobilier français et à la réduction de la consommation énergétique des logements.
Face à l'augmentation constante des délais d'instruction des dossiers MaPrimeRénov', un rééquilibrage entre nécessité de contrôler et impératif de verser rapidement les aides semble aujourd'hui indispensable pour assurer la pérennité de ce dispositif essentiel à la transition énergétique.