La France vit à crédit écologique depuis le 7 mai dernier

Depuis 2006, le Global Footprint Network, un groupe de réflexion états-unien engagé dans les questions écologiques, calcule le Earth Overshoot Day, ou jour du dépassement. C’est la date à laquelle l’humanité a épuisé les ressources que la planète est capable de régénérer en un an. En recul chaque année et variable selon les pays, elle témoigne d’une consommation déraisonnée des ressources naturelles. Et dans cette fuite en avant, la France, qui a passé ce cap le 7 mai dernier, est une mauvaise élève.

Que signifie le jour du dépassement ?

Pour calculer la date du jour du dépassement, le Global Footprint Network se base sur une formule qui croise : 

• la biocapacité annuelle de la Terre, soit sa faculté à se régénérer, tout en absorbant nos déchets ;
• l’empreinte écologique de l’humanité sur une année, soit les ressources naturelles consommées. Ces données chiffrées sont issues des comptes nationaux d’empreinte, eux-mêmes issus des datas collectées par les Nations Unies dans 200 États. Elles prennent en compte six catégories de ressources : les cultures, les pâturages, les espaces forestiers (exploitation du bois, captation du CO2), les zones de pêche et les espaces artificialisés.

Pour situer la position de la France, précisons qu’en 2023, la date du jour du dépassement terrestre était le 14 février au Luxembourg et, à l’autre extrémité du spectre, le 26 décembre au Bénin.

Le jour du dépassement écologique en France

Alors que certains préparaient le viaduc du mois de mai et que d’autres attendaient la flamme olympique à Marseille, la France passait discrètement, le 7 mai 2024, ce cap virtuel tristement symbolique. En effet, loin de ses ambitions vertes, elle entrait précocement dans le rouge en matière de ressources naturelles. Car à cette date, la Métropole avait consommé tout ce que le territoire de l’Hexagone peut lui fournir. À titre comparatif, si l’ensemble des humains se comportaient comme nous, il faudrait près de trois planètes Terres pour satisfaire les besoins de tout ce beau monde…

À compter de cette date fatidique, on considère que la France surexploite ses ressources naturelles, comme les forêts, les terres cultivables, l’eau douce, les poissons. Le tout, en émettant plus de dioxyde de carbone que ses écosystèmes ne sont capables d’absorber ! Concrètement, la consommation de ressources naturelles des Français est très excessive : elle dépasse de 85% le potentiel de renouvellement de ses écosystèmes. Cela signifie notamment que nous utilisons des ressources biologiques qui sont extraites sur le sol d’autres pays.

Comment la France comble-t-elle son déficit écologique ?

Ainsi, si nous souhaitions protéger la biocapacité et permettre aux ressources naturelles de se régénérer, il faudrait avoir cessé tout prélèvement depuis le 8 mai et survivre ainsi durant les 237 jours restants  de l’année… Contraints de vivre à crédit, les Français grignotent alors sur les ressources appartenant théoriquement aux futures générations. C’est ce que l’on appelle le déficit écologique. En outre, la France est largement dépendante de ses importations, notamment de pétrole, de gaz, de minerais métalliques, etc. 

Selon le rapport du Commissariat général au développement durable de 2020, le pays mobilisait chaque année 800 millions de tonnes de matières par an, dont près de 45 % importées, souvent dans des pays plus pauvres. Pour pallier ce manque de résilience face au changement climatique et à l’appauvrissement des ressources, la seule piste envisagée est la relocalisation des mines. Mais elle aurait un impact délétère sur la biodiversité et la santé des sols et de l’eau. 

Quelles sont les solutions pour repousser le jour du dépassement ?

Malgré les différentes COP depuis 1995 et l’Accord de Paris sur le climat, le retardement du jour du dépassement n’a pas eu lieu. Au contraire, son point de départ virtuel fixé au 29 décembre 1970 n’a cessé d’avancer depuis la mise en place du calcul en 2006. Le record 

a été atteint le 29 juillet en 2019 à l’échelle planétaire, mais la date du 5 juin est annoncée par le Global Footprint Network pour 2024.

Pour la France, la date prématurée du 5 mai pour le jour du dépassement est notamment due au recours encore élevé aux énergies fossiles. La consommation de viande, qui connaît un sursaut dans le pays depuis 2021, est également en cause. 

Des acteurs de premier plan comme l’ONU mettent en effet l’accent sur les solutions à mettre en œuvre pour faire reculer cette date. Parmi elles, la sortie des énergies fossiles par l’électrification et les énergies renouvelables, ainsi que la végétalisation de la nutrition. Sur ce point, WWF précise qu’au niveau mondial, une diminution par deux de la consommation de viande ferait reculer le jour du dépassement de 17 jours. À noter, le Earth Overshoot Day avait été calculé, à l’échelle mondiale, au 2 août en 2023, au 1er août en 2022 et au 3 août en 2021. En revanche, un net recul avait été constaté en 2020, année des confinements où le jour du dépassement n’avait été atteint “que” le 16 août. Preuve que cela peut bouger !